Lettre ouverte du MEDEF-NC adressée au Président du Gouvernement, Monsieur Mapou, le 12/12/2023 lui demandant de se positionner sur la situation de la filière métallurgique susceptible d'avoir des conséquences économiques et sociales dramatiques pour la Nouvelle-Calédonie.
A l’attention de Monsieur Louis MAPOU, Président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie
Nouméa, le 12 décembre 2023
Objet : Appel à la réévaluation des mesures fiscales et au sauvetage des industries métallurgiques en Nouvelle-Calédonie.
Monsieur le Président,
Nous nous permettons de porter à votre attention les préoccupations cruciales qui affectent douloureusement le tissu économique de la Nouvelle-Calédonie.
Les mesures fiscales actuellement mises en œuvre par le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie (taxe sur le sucre, les plus-values immobilières, réforme de l’IRPP...) soulèvent les plus vives inquiétudes, notamment dans le contexte particulièrement anxiogène de défaillance de notre filière métallurgique, qui pourrait avoir des répercussions dramatiques sur l’ensemble de notre tissu économique.
Il est alarmant de constater que ces mesures persistent malgré la reconnaissance antérieure par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, lors du Forum Perspectives, de l'inefficacité d'une augmentation isolée de la pression fiscale pour résoudre les défis budgétaires, forum qui laissait cependant espérer la mise en œuvre d’un dialogue constructif sur une véritable politique de relance économique via la fiscalité.
La situation actuelle des trois usines métallurgiques est préoccupante et leur survie à très court terme est en jeu. Les premiers signes de difficultés financières, tels que l'incapacité de la SLN à régler ses charges sociales et les restrictions de sous-traitance par Prony Ressources, préfigurent une crise imminente.
La déclaration de Glencore de cesser le financement des opérations de KNS après la fin février 2024 « si aucune nouvelle solution de financement n'était identifiée » pourrait également entraîner l'arrêt de l'usine du Nord.
La défaillance des usines métallurgiques aurait des conséquences cataclysmiques. Les estimations de l'Inspection Générale des Finances indiquent que cela mettrait la CAFAT dans l'incapacité de remplir ses engagements, avec un impact financier estimé à plus de 31 milliards CFP. La Nouvelle-Calédonie perdrait 4 points de PIB et le chômage augmenterait de +50%, plus de 13 000 emplois étant concernés de façon directe et indirecte par cette filière, ce qui provoquerait un véritable seisme social.
De plus, la fermeture des usines entraînerait inéluctablement une diminution significative du rendement des prélèvements obligatoires, exacerbant les difficultés budgétaires actuelles, et plongeant la Nouvelle-Calédonie dans une crise systémique sans précédent.
Face à cette situation critique, et suite à la proposition de « Pacte pour le Nickel » par Monsieur Bruno Le Maire lors de sa visite sur le territoire, nous souhaiterions pouvoir connaître la position officielle du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie sur ce dossier.
Nous exhortons le Gouvernement à agir immédiatement pour éviter une catastrophe économique et sociale qui aurait des répercussions dévastatrices sur la Nouvelle-Calédonie.
Le silence actuel sur cette question, alors même que des mesures fiscales extrêmement lourdes continuent d’être prises au détriment des consommateurs, entrepreneurs et travailleurs calédoniens légitimement inquiets pour leur avenir, est incompréhensible et mérite d’être levé.
Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de nos salutations distinguées.
La Présidente du MEDEF-NC, Madame Mimsy DALY
COMMUNIQUE DU GOUVERNEMENT DU 20/12/2023 : "Plan de sauvegarde des usines de Prony Resources, de la SLN et de KNS"
Mercredi 20 décembre 2023 - COMMUNIQUÉ DE PRESSE
Au cours de la décennie écoulée, le marché mondial du nickel a connu d’importantes mutations, qui ont eu pour conséquence une dégradation de la compétitivité des usines de Prony Resources, de la SLN et de KNS.
Certaines décisions de l’État indonésien ont conduit les investisseurs chinois à prendre une part majoritaire dans la production mondiale de nickel sur la base d’un modèle économique très compétitif, alliant faibles coûts de construction, énergie peu chère et bas coûts salariaux.
Ces dernières semaines, nos usines ont vu leurs difficultés s’accroître du fait d’une baisse des cours du nickel, conséquence notamment d’un important ralentissement économique de la Chine.
Malgré des efforts de rationalisation de leurs coûts de fonctionnement, un engagement des salariés à améliorer la productivité, des avances de trésorerie de leurs actionnaires et de l’État, Prony Resources, SLN et KNS ne sont pas parvenues à enrayer la dégradation de leurs comptes et sont aujourd’hui au bord de la cessation de paiement.
Conscient de la situation, en coordination avec le ministre de l’Économie et des finances Bruno Lemaire et les provinces, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a entrepris de travailler sur un plan de sauvegarde des usines, visant à assurer leur survie à court terme et à faire évoluer leur modèle économique afin qu’elles retrouvent durablement les moyens d’être compétitives sur le marché du nickel.
Les 15, 16 et 17 décembre 2023, le gouvernement a participé à un groupe de travail réunissant des représentants des provinces, de l’Inspection générale des finances, du Comité interministériel de la restructuration industrielle et du Conseil général de l’économie. L’objectif était d’identifier les contributions potentielles des collectivités calédoniennes et de l’État à un plan de sauvegarde sur dix ans, qui devra être conclu courant janvier 2024. Sur la base de ces travaux, la mission doit maintenant engager un dialogue avec les actionnaires.
Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie en appelle à la mobilisation, afin que toutes les énergies soient déployées pour contribuer à la sauvegarde d’une filière d’activité essentielle aux équilibres humains, sociaux et économiques de notre pays.
L’arrêt de nos usines est inenvisageable compte tenu des conséquences dramatiques que cela entrainerait. Cela génèrerait la suppression de dizaines de milliers d’emplois, directs et indirects, un écroulement de notre système de protection sociale et de santé et une détérioration économique et sociale sans précédent pour la Nouvelle-Calédonie.
Des moyens d’action existent et il nous revient d’affronter collectivement la situation avec pragmatisme et responsabilité, afin d’optimiser nos chances de sortir gagnant-gagnant de cette période très difficile.
DANS LES MEDIAS :
- Calédonia TV 12/12/2023
- RRB Journal du 13/12/2023
- Océane FM
- Radio NC La 1ère
- La Voix du Caillou 18/12/2023 : La voix du Caillou #143 - La Voix du Caillou
Les experts #Nickel au travail
L’idéologie, les postures, les revendications, les appels à l’Onu ou à la Cour Internationale de Justice n’y peuvent pas grand chose. Pas plus d’ailleurs que les compétences locales, sorte de Ferrari sans carburant. La faillite des trois usines de nickel calédoniennes s’inscrit dans le monde impitoyable de la globalisation, et se trouve régie par les lois du business international et du capitalisme. Dans ce concert, seule une grande puissance comme la France peut conduire un sauvetage. Et chance pour les Calédoniens : leur territoire fait partie de la France.
Les “parties prenantes” locales sont en réalité aux abois. Les grands actionnaires privés, comme ils en ont le droit, ne veulent plus mettre la main à la poche. Rien ne les y oblige, d’ailleurs. Des règles existent pour les sociétés en situation de cessation de paiement. Après avoir épuisé toutes les mesures de sauvegarde, la liquidation peut intervenir. Seul espoir, alors, une reprise avec son lot de contraintes qu’imposerait le repreneur.
Glencore ayant annoncé la fermeture du robinet financier, tout comme Eramet, l’actionnaire majoritaire de KNS ne peut constater qu’il est nu. Quant à la Nouvelle-Calédonie, dont les trois provinces possèdent un tiers de la SLN, après avoir empoché, comme les autres actionnaires en leur temps, les dividendes versés en périodes fastes, elle est comme la cigale. Elle a chanté pendant les années d’opulence, et se trouve bien dépourvue en ces dramatiques moments où souffle la bise.
L’État, pour des raisons où se conjuguent la solidarité avec l’une de ses collectivités, son propre intérêt industriel, et le rôle européen qui est le sien, a proposé un plan pour “assurer la pérennité” de nos outils industriels. Les “parties prenantes “calédoniennes n’ont, en réalité, pas le choix. Elles se trouvent incapables d’élaborer une solution globale, et encore moins capables de bâtir des perspectives viables pour la principale richesse de la Nouvelle-Calédonie. Pitoyable constat.
Certes, les industriels, eux, savent ce qu’il conviendrait de faire. Mais ils n’ont pas les moyens de résoudre les difficultés résultant d’une partition économique de fait. Seul l’État, grâce à son chéquier, le peut. C’est probablement ce qu’il fera, avec le tact qui convient en ces circonstances, pour ménager quelques susceptibilités locales. L’émancipation réelle de la Calédonie n’est pas pour demain.